Kinésithérapeutes en colère

On vous explique le pourquoi du comment les kinés n'ont jamais été aussi mécontents

KINÉSITHÉRAPIE

Matthieu CADARS

9/13/2025

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Pourquoi les kinésithérapeutes sont mécontents en France

Depuis quelques années, la profession de Masseur-kinésithérapeute est en tension : entre les attentes de revalorisation, la réforme de la nomenclature des actes, les conditions d’installation et le gel de certaines promesses, beaucoup se sentent délaissés. Voici les principaux points de mécontentement pour bien comprendre le contexte.

Pour répondre aux revendications des kinés, une convention nationale est révisée : l’avenant n° 7 de la convention nationale des Masseurs kinésithérapeutes, signé le 13 juillet 2023.

Voici ce que cet avenant prévoit :

  • Mise en place d’une nouvelle nomenclature : la description des actes de kinésithérapie est rendue plus précise, mieux adaptée aux pratiques réelles. On passe à environ 80 actes différents.

  • Revalorisation des « lettres-clés » (tarif de base commun pour certaines séances) : dès le 22 février 2024, elles passent de 2,15 € à 2,21 € en métropole, de 2,36 € à 2,43 € dans les départements d’Outre-mer.

  • Revalorisations pour certains actes techniques : actes cotés AMS 7,5 (niveau de base pour certains types d’actes) doivent être revalorisés de 0,9 point au total, en deux étapes : + 0,6 point le 1er juillet 2025, + 0,3 point le 1er juillet 2027. Pour les actes cotés AMS 9,5, une revalorisation de 0,3 point est prévue pour le 1er juillet 2026.

  • Télé-soin : l’avenant 7 permet la facturation d’actes en télésoin (lettre-clé « TMK »), dans certaines conditions (présentiel préalable, bilan, etc.).

Dates clés à retenir

  • 13 juillet 2023 : signature de l'avenant n° 7.

  • 22 février 2024 : entrée en vigueur de plusieurs mesures : nouvelle nomenclature, revalorisation des lettres-clés, possibilités de telésanté/télésoin.

  • 1er juillet 2025, 1er juillet 2026, 1er juillet 2027 : dates des revalorisations progressives pour les actes AMS 7,5 ou 9,5.

Ce qui cause la colère

Malgré ces avancées, plusieurs points provoquent l’insatisfaction :

  1. Revalorisations jugées insuffisantes
    Beaucoup de kinés estiment que les augmentations ne « rattrapent » pas l’inflation, ni les coûts de fonctionnement (loyer, matériel, assurances, charges diverses). Par exemple, en janvier 2023, un collectif disait que la séance de base était à 16,13 €, qu’elle n’a pas bougé depuis dix ans, et réclame un tarif minimum de 20 €. Avec la nouvelle revalorisation, l'acte de base passe à 16,58€...

  2. Gel / report de certains engagements
    En juin 2025, un comité d’alerte a estimé qu’il y avait un « risque sérieux » que les dépenses d’assurance maladie (“ONDAM”) dépassent certaines limites. En conséquence, les revalorisations prévues au 1er juillet 2025 pour les kinés et d’autres professions sont suspendues, et reportées au 1er janvier 2026.

  3. Nomenclature : complexité, transition difficile
    Même si la nouvelle nomenclature est plus précise, elle oblige les kinés à modifier leurs logiciels, à comprendre de nouvelles lettres-clés, à adapter leurs prescriptions. La période de transition aidait, mais tout changement de ce type est source de coût et de confusion.

  4. Conditions d’installation, répartition territoriale
    L’avenant 7 prévoit aussi des régulations démographiques pour mieux répartir les kinés sur le territoire, c’est-à-dire conditions plus strictes pour l’installation. Certains professionnels craignent de perdre de la liberté sur leur choix géographique.

  5. Le sentiment de promesses non tenues / de dialogue rompu
    Le report automatique des revalorisations à cause d’un “mécanisme d’alerte budgétaire” est vu par beaucoup comme une rupture du pacte négocié. Certains syndicats parlent même “d’une trahison”. La profession a due accepter des contreparties, alors que la Caisse Nationale d'Assurance Maladie a de son côté reporté ses obligations.

Quel est le gros du problème ?

En résumé, le mécontentement vient de la conjonction de plusieurs facteurs :

  • Les coûts pour les kinés ont beaucoup augmenté (matériel, énergie, charges), mais les tarifs remboursés n’ont pas suivi ou ont été revalorisés trop lentement.

  • Les revalorisations annoncées sont étalées, donc le gain net pour un kiné ne se ressent pleinement que plusieurs années plus tard, ce qui est difficile pour ceux qui ont des charges immédiates importantes.

  • Le report des mesures prévues est vécu comme un manque de respect du dialogue professionnel, voire comme un non-respect des promesses contractuelles.

  • La complexité administrative (nomenclature nouvelle, logiciels, conditions de facturation) ajoute du travail non rémunéré.

  • Le risque d’épuisement, de difficultés financières, et de désertification (zones sous dotées) pèse : beaucoup redoutent de ne plus pouvoir vivre convenablement de leur activité.

Perspectives

Que pourrait-on attendre ou exiger pour apaiser la situation ?

  • Que les revalorisations soient réellement appliquées selon les calendriers promis, sans report.

  • Que les augmentations compensent mieux l’inflation et les charges, et qu’on tende vers des tarifs plus justes pour les actes de base.

  • Que les tâches administratives soit simplifiées, pour alléger la charge de mise en œuvre de la nouvelle nomenclature.

  • Un vrai dialogue transparent avec la Caisse Nationale d'Assurance Maladie pour que les professionnels puissent participer à la conception des réformes, et non pas subir les arbitrages budgétaires.

Conclusion

Les kinés sont mécontents parce qu’ils ont l’impression que les réformes actuelles, même si elles vont dans le bon sens, sont trop lentes, trop timides, ou trop incertaines. Les engagements pris lors des négociations (avenant 7) sont mis à mal, notamment avec le report de certaines revalorisations. Le coût réel qu’ils supportent (charge, matériel, logistique) pèse lourdement, et beaucoup craignent de ne pas pouvoir continuer dans ces conditions tout en assurant des soins de qualité.

Le 13/09/2025

Matthieu CADARS

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